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autre voyant. La ressemblance la plus étroite dans le thème, et même dans les images, n’implique naturellement pas la communion des idées.

On peut donc parler des doctrines de l’apocalyptique, non de sa doctrine. Ces doctrines sont celles du temps, appliquées à l’avenir, et on peut même se demander si les apocalypses ont mis en circulation une seule idée vraiment nouvelle, ou si elles se sont contentées de combinaisons.

Il ne faut rien exagérer ; toutefois l’analyse est beaucoup moins simple que certains savants ne semblent le croire.

D’après M. Baldensperger, — un théologien protestant qui s’est beaucoup occupé de l’apocalyptique, — elle n’est ni la continuation, ni la transformation de la prophétie, ni une nouvelle interprétation des prophéties non accomplies. Ce serait plutôt « l’attente messianique détachée de l’idéal terrestre politique et élevée à l’ordre surnaturel » [1].

Cette antithèse posée, il est facile de la développer dans le détail. On dessinerait deux tableaux, celui de la prophétie et celui des apocalypses, dont le second serait comme l’agrandissement et la transfiguration de l’autre.

Le héros de l’ancienne prophétie est Israël, et le thème du messianisme, sa délivrance des ennemis qui l’ont subjugué. Ces ennemis seront anéantis par le jugement de Iahvé qui rassemblera son peuple dispersé et lui fera goûter, dans la Terre Sainte, à Jérusalem, auprès du Temple, plus glorieux que jamais, un bonheur éternel. Le Messie sera l’agent de toutes ces merveilles.

Dans l’apocalyptique, on verrait au premier rang l’homme, placé dans le Cosmos pour pratiquer la vertu. Les ennemis des gens pieux sont les méchants. Le jugement de Dieu s’exercera sur le monde en faveur des justes qui jouiront de l’immortalité et de la résurrection. Les biens de l’au-delà sont promis non plus dans Jérusalem, mais dans le Ciel.

Il faudrait, pour achever l’antithèse, faire du Messie l’agent de ce salut surnaturel. Personne n’oserait aller jusque-là, tant il est évident que le Messie des apocalypses ne joue pas ce rôle. Et cela donne à réfléchir. A y regarder de près, on doit confesser que rien n’est plus faux que de concevoir l’apocalypse de cette façon. Si l’apocalyptique avait donné sur tous les points allégués une solution ferme, en interprétant l’ancienne prophétie dans un sens moral et religieux, en substituant l’idée du salut éternel des justes à celle du bonheur temporel

  1. Die messianisch-apokalyptischen Hoffnungen des Judenthums, 3e éd., p. 173.