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gloire de sauver le monde en ramenant l’humanité à son créateur. Non, il faut seulement qu’lsraël, toujours vaincu, soit enfin vengé de ses ennemis. Le cœur de l’auteur, aigri par la souffrance, est fermé à la charité.

L’ancien horizon, du moins celui du cœur, n’est donc point dépassé ; on peut même dire qu’il est rétréci, puisque quelques Israélites sont désormais exclus sans que cette exclusion soit tout à fait compensée par l’accession de quelques Gentils. C’est ce qu’on peut dire d’une façon générale, puisque chaque voyant a son système eschatologique particulier.

Dieu et l’homme sont toujours envisagés dans leurs rapports à venir. La doctrine des fins dernières avec ou sans Messie, c’est bien le cœur de l’apocalyptique ; c’est le problème qui s’imposait à la sagacité du voyant, problème dont les termes pouvaient varier selon les idées du temps et les détails au gré de ses aspirations et de sa fantaisie. En fait les solutions sont nombreuses, divergentes et même contradictoires. Les grouper sous certains chefs serait une tâche relativement aisée, mais on aimerait mieux savoir s’il n’y a pas entre elles un développement sinon logique, du moins coordonné aux circonstances, et, s’il était possible, suivre l’évolution historique de ces bizarres concepts. Mais comment refaire l’histoire avec des documents non datés, et qui se dérobent de parti pris à toute enquête sur leurs origines ? On ne peut aboutir à une certitude complète, et ce serait beaucoup que d’atteindre à la vraisemblance. Cependant les points de repère ne font pas absolument défaut. Quelques-unes de nos pièces portent assez clairement l’empreinte de leur temps ; d’autres en seront rapprochées par l’analogie de leurs doctrines. Il est raisonnable de placer au début l’apocalypse qui semble se souder le mieux à l’ancienne littérature prophétique sur les derniers temps. Puis de nouvelles conceptions se font jour, et l’on se préoccupe davantage du monde de l’au-delà. La pensée de concilier ces éléments épars n’a pu venir que très tard, lorsque les illusions particulières avaient eu le temps de se produire et aussi d’être déçues. Le voyant est alors moins suggestionné par les circonstances ; il embrasse d’un regard toutes les données de la question, et il s’efforce de grouper les diverses réponses dans une synthèse.

On essaiera donc d’établir une évolution historique dont les étapes principales paraissent bien marquées, pourvu qu’on prenne son parti de certaines marches parallèles. Pour plus de clarté, on assignera une rubrique à chacune de ces solutions, en indiquant les apocalypses ou les fragments qui s’y rattachent. Il y a dans l’ensemble un double courant, celui de l’eschatologie sans Messie et celui de l’eschatologie