Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seras un prince, et un de tes fils, sur les fils de Jacob. Que ton nom et le nom de tes fils aille et pénètre chaque pays et chaque région. Alors les Gentils trembleront devant ta face, et toutes les nations seront ébranlées » [1]. Mais Lévi, béni le premier, est beaucoup mieux traité : « Ils (tes fils) seront princes et juges et chefs de toute la race des fils de Jacob ; ils proféreront la parole du Seigneur en droiture, et ils prononceront tous ses jugements en droiture. Et ils déclareront mes voies à Jacob et mes sentiers à Israël. La bénédiction du Seigneur sera mise dans leur bouche, pour bénir toute la race du bien-aimé » [2]. C’est donc en somme Lévi qui a la meilleure part, Lévi, c’est-à-dire le sacerdoce, dans la lignée des Asmonéens devenus les chefs d’Israël.

On entend la même note dans les Testaments des douze patriarches[3], qu’il faut discuter un peu plus longuement, à cause des controverses récentes suscitées par ce livre. On l’a tenu longtemps pour un ouvrage chrétien ; mais, depuis quelques années, l’accord paraît s’être fait sur ce point qu’il est d’origine juive, quoique saupoudré d’interpolations chrétiennes sur le nombre desquelles on n’est pas fixé. M. Charles semble avoir démontré solidement que l’original a été écrit en hébreu et, pour le fond, dès le temps de Jean Hyrcan[4] (135 à 104 av. J.-C.). Ce bloc primitif était tout à la louange de Lévi, c’est-à-dire des grands-prêtres Asmonéens. Plus tard, de 70 à 40 av. J.-C., on y joignit des morceaux écrits dans un style tout différent, hostiles au sacerdoce, et dont nous n’avons pas à nous occuper en ce moment[5].

En supposant acquise cette distinction de deux sources juives, il reste encore assez de difficultés, car les interpolations chrétiennes s’étendent partout, et il est à peu près impossible d’en mesurer la portée. Le système adopté par MM. Charles et Bousset[6] consiste à éliminer uniquement ce qui est évidemment d’origine chrétienne, d’une façon claire et pour ainsi dire technique ; encore M. Charles regarde-t-il comme juifs des passages qu’on retrouve en substance

  1. xxxi, 18.
  2. xxxi, 15.
  3. Voir surtout l’édition grecque de Charles et sa traduction commentée indiquée plus haut, p. 38 ; cf. RB., 1908, p. 442 ss.
  4. Nous n’oserions être aussi précis que M. Charles qui fixe l’époque de 109 à 106 avant Jésus-Christ.
  5. D’après M. Charles (Traduction, p. lvii), ces additions sont : Lev., x, xiv-xvi ; Jud., xvii, 2-xviii, 1 ; xxi, 6-xxiii, xxiv, 4-6 ; Zab., ix ; Dan, v, 6-7 ; vii, 3 (?) ; Nepht., iv ; Gad, viii, 2 ; Aser, vii, 4-7. Ce n’est pas le lieu d’entrer dans une discussion détaillée. On verra plus loin que, d’après nous, Jud., xxiv, 4-6, appartient au fond primitif.
  6. Dans deux articles importants de la Zeitschrift für die neut. Wissenschaft, 1900, p. 141-175, 187-209.