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l’art montrait déjà le chemin. Là, il brisa la succession naturelle des couleurs et des tons. Et dans l’ancienne conception, la Musique cherche ainsi, par plusieurs moyens, une autre harmonie (sans arriver toutefois à la clarté).

Si l’on essayait, comme dans la musique grégorienne, d’approfondir le naturel dominant, par la simplification et l’épuration, on n’arriverait qu’à une autre forme d’expression sentimentale. La musique moderne a tenté de se libérer de la forme ancienne, mais elle « ignore » l’ancien plutôt que de construire une apparition nouvelle. Cela provient de ce qu’elle conserve toujours dans sa construction les bases anciennes. Chaque mou­vement d’art qui ne représente pas en clarté l’esprit nouveau se fourvoie.

Toutefois, en cherchant on finit par atteindre le vrai, mais pas avant que son temps soit venu. Superficiellement, on croit le trouver en cherchant mais en réalité on ne le trouvera que lorsque l’esprit nouveau aura mûri.

En écoutant les musiciens modernes qui n’ont pas rompu radica­lement avec l’instrumentation sentimentale, nous avons l’impression que les temps ne sont pas encore mûrs pour la Musique nouvelle. Néanmoins, nous voyons apparaître le nouveau à tra vers l’ancien et chez quelques-uns nous en constatons le besoin. C’est là un fait qui doit nous suffire.

L’ancienne échelle tonique de même que les instruments usuels doivent être bannis de la Musique si l’esprit nouveau veut s’exprimer plastiquement. En dehors d’une composition nouvelle, on doit créer d’autres moyens plas­tiques afin d’arriver comme les arts dits plastiques à une technique nouvelle.

De même que la couleur dans la peinture, le son dans la musique doit être déterminé, et par la composition, et par le moyen plastique, si le son veut agir comme moyen plastique exact de l’universel. La composition y atteindra par une nouvelle harmonie double en opposition neutralisante. Le moyen plastique y atteindra par des sons qui seraient fixes, planes et purs. Chaque ton fondamental doit être nettement délimité, tant par son opposé que par sa nature propre, car chaque instrument par sa nature et sa construction possède un timbre qui cause, bien plus que les vibrations le plus ou moins « naturel » du son.

Les instruments à cordes, à vent, les cuivres, etc., doivent être rem­placés par une batterie d’objets durs. La construction et la matière des nouveaux instruments seront de la plus haute importance. Ainsi, le « creux » et le « bombé » seront remplacés par le plat » « et le « plane » parce que le timbre dépend de la forme et de la matière employée. Tout cela nécessitera beaucoup de recherches. Et quant au moyen de production du son, il sera préférable d’employer l’électricité, le magnétisme, la mécanique, car ils excluent mieux l’immiscion de l’individuel.

L’œuvre d’Art nouvelle doit être, quant au contenu, une extériorisa­tion plastique claire, équilibrée et esthétique de rapports sonores, sans plus.

Dans le Théâtre et l’Opéra, les arts concourent à l’Art Dramatique. Toutefois, comme dans le Geste et la Mimique, l’extériorisation plastique de l’individuel continue à dominer, la conception primitive du théâtre se perdra peu à peu dans l’art nouveau. Quel que soit l’approfondisse­ment des gestes et de la mimique, il n’en est pas moins vrai que le mouve­ment décrit « la forme » et n’exprime pas purement et plastiquement l’individuel-et-l’universel-en-rapport-équilibré. L’Art Dramatique étant l’expression plastique d’une action ou d’un état d’âme à l’aide de la figure humaine est une réalité dans laquelle l’expression plastique de la réalité abstraite est devenue une impossibilité.

Pour l’homme nouveau, le théâtre est sinon une gêne, en tout cas une superfluité. L’esprit nouveau en atteignant son point culminant, intériorisera le geste et la mimique : il réalisera dans la vie journalière ce que le théâtre montra et décrivit par l’extérieur.

Toutefois, tant que ce point n’est pas atteint, le théâtre gardera sa