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LE POISSON D’OR

savent bien cela et ils me traitent comme un enfant. Est-ce pour me vendre ce chiffon que vous m’avez dérangé, monsieur Corbière ?

— Pas précisément, monsieur Bruant… et néanmoins, si vous en donniez un prix sortable…

— Qu’appelez-vous un prix sortable ?

— En argent, je ne sais pas, n’ayant point sous la main les éléments d’un pareil compte, mais, en nature, je vous demanderais le château de Keroulaz, ses dépendances, les futaies du Cosquer, les trois fermes du Mettray, le moulin de Locmener la grande pêcherie de Kermoro et généralement tout ce que possédait avant vous l’illustre et honorable famille dont je viens de prononcer le nom.

M. Bruant, cette fois, se mit à rire.

— Voilà une bonne pièce s’écria-t-il, et qui vaut gros ! j’ai donné aux biens de Keroulaz une jolie plus-value, monsieur Corbière : ça va à quatre-vingt mille livres de rentes, savez-vous cela ? et j’en possède presque autant d’un autre côté avec l’ancien avoir des Penilis et autres. Le tout en règle. Pas un pouce de terrain qui n’ait son titre Je ne voudrais pas d’un million sans contrat ! Eh bien, eh bien, mon jeune ami, je ne déteste pas la plaisanterie ; on peut rire avec moi, et je vous invite à souper à l’hôtel de la Corne de cerf, où je suis descendu ; en êtes-vous ?

— J’ai le regret de vous prédire, monsieur Bruant répondis-je, que vous ne serez pas en appétit ce soir.

Il fronça le sourcil et me regarda en face.

J’avais fait le premier pas, mesdames. Il fallait aller de l’avant, mais Dieu sait ce que j’aurais donné pour avoir une heure de réflexion et tracer à tête reposée mon plan de bataille.