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LE POISSON D’OR

dites rien ? Parbleu ! Et j’ajoute que je suis à bout de patience… et qu’on me forcera à prendre une autre femme ! et que la jeune personne n’aura pas un sou de moi ! pas un sou ! pas un traître sou ! Croit-on que je sois en peine de trouver un parti ? Le croit-on ? Qu’on le dise !

Il s’arrêta comme pour attendre ma réponse. J’en cherchais une qui fût désormais en rapport avec sa situation mentale apparente, lorsqu’il poursuivit brusquement :

— Des mendiants, mon cher monsieur, voilà ce que c’est ! Pas l’ombre d’une ressource ! Vous me faites rire avec votre quittance ! Je distingue un papier faux d’une lieue, moi, voyez-vous ! Triste affaire ! Vous êtes dans le pétrin jusqu’au cou ! Savez-vous ce qui arriverait si vous vouliez m’assassiner ? Avant d’entrer chez vous, j’ai fait ma déclaration au commissaire de police. Et j’ai dit aux deux médecins qui m’ont tâté le pouls ici : Méfiance ! il y a un coup monté contre moi. Tout ça vous étonne. Hé ! hé ! on prend plus de mouches avec du miel qu’avec du vinaigre. Si la quittance n’était pas fausse, elle porterait des traces d’eau de mer. Il fallait être gentil à mon égard et me donner la demoiselle. Ça saute aux yeux. Vous êtes roulé.

J’étais abasourdi. M. Bruant, qui avait en ce moment la figure d’un homme ivre, se mit à battre des mains et à chanter la Marseillaise.

Puis il reprit d’un ton comparativement calme :

— S’il était vivant, vous me l’auriez montré, jeune homme, c’est clair ! On vous aura dit que j’étais fou ? Va-z-y voir ! S’il était vivant, vous l’auriez fait sortir de quelque trou, comme un diable d’une tabatière,