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LE POISSON D’OR

Le Judas s’arrêta. Il eut un rire sec et pénible. Il y avait des instants où je doutais encore, ne sachant si c’était forfanterie ou démence.

Il avait raison, du reste, de le dire je m’attendais à cela. Et pourtant, je croyais faire un mauvais rêve. L’horreur figeait mon sang dans mes veines.

Le regard de M. Bruant était maintenant fixe et froid.

— Après m’avoir entendu, poursuivit-il avec lenteur, vous saurez mieux à qui vous aurez à faire. Ce que j’ai fait pour gagner ma fortune vous dira ce que je puis faire pour la garder. Je n’ai pas fini. Essayez ! Il n’y avait pas de témoins là-bas, il n’y a pas de témoins ici. Quand j’agis ou je parle, il n’y a jamais de témoins.

Je ne me vante pas : j’étais un bon nageur, vous allez voir ! Aussitôt que mon aviron ne fit plus contrepoids à celui de Penilis la barque vint en travers et fut remplie en un clin d’œil. Le roulis violent qui eut lieu dérangea mon coup ; le tranchant du bois tomba sur l’épaule du ci-devant et la brisa, il se retourna en criant. Je voulus redoubler, mais je glissai dans l’eau et m’en allai à la renverse ; la barque ne coula pas tout de suite ; il eut le temps de se jeter sur moi. Sa main serra ma gorge ; une lame nous sépara, submergeant la misérable plate. Est-ce le bon Dieu qui fit cela, jeune homme ? Alors, il est pour moi.

Le sac de cuir hé, hé ! Le vent avait sauté ; nous dérivions vers l’est ; nous étions à une demi-lieue de terre. Un jeu d’enfant, n’est-ce pas, pour un vrai nageur ? oui, mais le sac et le jusant venait qui allait nous pousser au large Songez à cela, monsieur Corbière !