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LE POISSON D’OR

Au moment où la plate sombrait, je saisis le sac à deux mains et je coulai ; l’idée de m’aider me vint quand j’eus besoin de respirer. Jusque-là, j’avais embrassé le sac comme un noyé s’accroche à ce qu’il tient. Le sac était lourd, mais je remontai d’un seul effort, et je vis Penilis qui se débattait d’une main ; l’autre était morte. Penilis était mon élève, c’est moi qui le menais baigner quand il était enfant. S’il avait eu ses deux bras, cette nuit, j’aurais eu de la peine, car le sac me pesait, et, pour ma vie, je n’aurais pas lâché le sac, maintenant qu’il était à moi. Il y avait sur la lune des nuages épais comme une muraille ; la pluie commençait à tomber en larges gouttes, et des zigzags de feu déchiraient le ciel. Oh ! oh ! cette nuit-là m’est restée, et je peux bien dire que je suis un bon nageur ! Je n’ai pas gagné mon argent à la loterie, non !

Un éclair me montra Penilis à vingt brasses de moi ; il tournait comme un poisson blessé, mais de l’autre côté de lui un aviron flottait, et il essayait d’atteindre l’aviron. J’eus beau faire, il toucha l’aviron avant moi et parvint à le passer sous son bras malade : comme cela, il ne tourna plus.

Je l’aurais laissé mourir tranquille, si je n’avais pas eu besoin de l’aviron.

J’attendis l’éclair ; il fut longtemps à venir. Les deux feux de Groix nous regardaient comme une paire d’yeux, et il me semblait bien que nous dérivions toujours au large. Il ne fallait pas que l’attente fût trop longue.

Savez-vous ? Penilis me croyait mort, car je l’entendis qui disait « Dieu l’a puni. » Je ris quand j’y pense ! Je nageais debout pour prendre mon couteau