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LE POISSON D’OR

dans ma poche. Dès que je l’eus, je l’ouvris avec mes dents.

Bien sûr, monsieur Corbière, si vous racontiez la chose à l’innocent de Vincent, il ferait un mauvais coup contre moi, et je serais débarrassé de lui à tout jamais. C’est mon rival, hé, hé ! je tiens à Jeanne comme je tenais au sac de cuir.

Depuis que le monde est monde, on n’a pas vu ce que vous voyez : un homme qui se met le cou sous la guillotine. Hé, hé ! je vous défie de tirer la ficelle. Ça brûle, monsieur Corbière. Il n’y a pas seulement un tout petit endroit pour la prendre !

L’éclair vint, je mis ma tête sous l’eau. Avez-vous vu tomber le tonnerre ? Ils disent que Dieu dirige la foudre, failli canonnier alors, car j’étais là, et il me manqua ! le tonnerre tomba à trente brasses de moi. J’eus peur, mais qu’est-ce que cela fait ?

Le tonnerre ne tombe pas deux fois à la même place ; je me coulai jusqu’à Penilis et je lui donnai de mon couteau dans l’estomac. Il poussa un grand soupir et dit : « Mon Dieu, ayez pitié de moi. »

Toujours Dieu qu’on invoque et qui n’entend pas !

J’avais l’aviron, je mis la sacoche à cheval dessus et je nageais tranquillement vers Gavre. L’Anglais tira trois coups de canon pour presser celui qui était en retard, mais Penilis avait fait son dernier voyage. C’était bien changé, depuis le temps où je cirais ses souliers, dites donc ? Bien changé, oui. Bonsoir, Penilis en breton, Chédéglise en français, bonsoir, mon maître !

Le moment était fameux ; ils vendaient beaucoup de terres pour peu d’argent. Mon poisson d’or et moi nous arrivâmes a la grève. Dieu dormait. J’achetai un domaine de prince.