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LE POISSON D’OR

As-tu confiance en M. le Vicaire ? me demanda ma femme avec un commencement d’aigreur.

Et ma mère solennellement :

— Je suppose que tu n’en es pas à te défier de notre curé !

Maman reprit :

— D’abord M. Bruant a fait cadeau d’un ornement !

Pendant que ma femme ajoutait :

— Et il a laissé un billet de mille francs pour les pauvres !

— Ah bien ah bien ! s’écria Goton, qui fit dans la salle à manger une entrée tumultueuse (le mot ne s’applique qu’à une foule, mais Goton, à elle seule, quand elle voulait, était toute une cohue), ah bien ! ah bien misère ! Jésus Dieu, sauveur du monde ! Voilà enfin un client comme il faut, celui-là pour sûr et pour vrai ! c’est M. Fayet, le bedeau de la paroisse, qui sort de ma cuisine, et qu’il se reproche bien de nous avoir engantés de ce Keroulaz ! Il a dit « Je parie que, de ce côté-là, M. Corbière n’a pas eu encore une pièce de quarante sous. Attends voir ! Les autres avocats, c’est tous lèche-plats, comme procureurs voleurs, qu’a dit M. Fayet. Mais M. Corbière est trop bon de moitié. Viendront les vieux jours, et qui amènera l’eau au moulin ? Fais ta pelote, pendant que tu es jeune, on ne travaille qu’un temps. » Et quoique ça, M. Fayet à raison tout de même. Et pour quant à ce râpé de Keroulaz, dépiotez un galeux, vous trouverez les petites bêtes sous le cuir. Pas d’hommes ruinés sans le vice ! Et que ce M. Bruant a donné vingt-cinq louis d’or pour les crèches ! cent bonnes pièces de cent sous ! et que les pauvres l’ont conduit jusqu’à la diligence en triomphe !