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LE POISSON D’OR

Ici seulement elle reprit haleine, mais ce fut pour proclamer :

— Le cher homme ! il n’est pas cause qu’on clabaude, et d’avoir un petit grain∞ que dans ses attaques, il parle un peu à tort et à travers des prêtres et de tout… mais, au fond, c’est un saint, quoi, qu’a dit M. Fayet, un vrai saint de niche !

Notre tante, la bonne religieuse de la Providence, vint nous faire une visite ce soir. Je dus entendre un quatrième et onctueux panégyrique de M. Bruant qui avait laissé je ne sais quoi à la communauté.

Mesdames, depuis le collège, j’ai toujours passé pour un fervent chrétien. Ma dévotion m’a même fait bien souvent jeter la pierre par ceux qui prêchent la tolérance libérale à bras raccourci, mais voilà que j’étais débordé de tous côtés ! Je glissais bien malgré moi, dans le camp païen, puisque J. B. Bruant devenait article de foi. On l’a dit souvent, et, certes je ne veux pas appuyer là-dessus rien n’est facile à tromper, rien n’est difficile à détromper comme les gens pieux. Cela prouve la bonté de leur âme, mais garez-vous, à l’occasion.

En quittant le salon de ma mère, j’avais la tête brûlante, je sortis pour prendre l’air ; à dix pas de notre porte, un bras se glissa sous le mien et une voix amie me dit

— Corbière, Corbière, vous vous engagez dans un chemin glissant Êtes-vous bien sûr de ces Keroulaz ? Et ce roman du mousse gentilhomme, qu’est-ce que tout cela ?

C’était un de mes camarades de l’École de droit, B***, qui était substitut du procureur impérial et que