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LE POISSON D’OR

Je n ai pas Desoin de vous apprendre que l’appel est vu de mauvais œil. M. Bruant a beaucoup plu au premier président et, à l’heure qu’il est, il achève de raconter son histoire chez le procureur général. C’est prodigieux cette histoire, mais c’est vrai. On n’invente pas ces choses-là. Il a un succès fou : ces dames se l’arrachent… d’autant qu’il s’avoue lui-même un peu…

Au lieu d’achever, il se toucha le front comme avait fait ma femme.

— C’est étonnant comme les dames aiment la fêlure, ajouta B***, qui était un observateur. Montez-vous au cercle ? Non. Je vous quitte. Réfléchissez, croyez-moi la quittance a mauvaise odeur.

Les commencements de l’avocat ont leur histoire dans un seul mot : la lutte. Cette lutte est pénible toujours, souvent cruelle. J’avais, jusque-là, subi le sort commun, et j’affirme que je ne dormais pas sur un lit de roses, mais je ne me souviens point d’avoir éprouvé deux fois le même découragement. Il n’y avait en moi qu’amertume : j’étais vaincu avant d’avoir entamé la bataille ; mon adversaire ne m’avait pas encore porté le premier coup que déjà j’étais désarçonné.

Ce soir, il m’apparaissait comme un colosse de diabolique astuce. Je ne me rendais pas compte de ce fait, que la popularité est un jeu de pair ou non et que mon Judas avait en outre, parmi ses cartes, cet atout éternellement victorieux qu’on appelle million. En somme je le connaissais, ce prétendu diplomate ; il avait bien sa valeur pour le mal, mais j’en avais rencontré cent plus forts que lui. C’était un homme illettré, qui mentait mal et grossièrement, un charlatan de bas étage, maladroit quand il n’était pas insensé.

J’étais jeune, mesdames ; j’ignorais encore, paraî-