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LE POISSON D’OR

manière et donnait supérieurementle coup de pied de l’âne.

Souvenez-vous que je lui avais renvoyé sa première lettre, et admirez comme il exploitait mon dédain ! Il savait bien que je ne montrerais pas celle-ci. Il me roulait en grand, pour employer le style de patron Seveno.

Néammoins, je ne renvoyai point cette seconde missive je gardai même les quarante bouteilles de vin d’Espagne dans leur caisse de sapin. Mon plan de conduite était changé. Je cédais en apparence à la pression opérée sur moi de tous côtés à la fois, par ma famille, par mes amis du dehors, par les directeurs de ma conscience et aussi par les quelques membres de la Cour impériale qui voulaient bien s’intéresser à mon avenir. Il y avait unanimité. Je n’ai pas le temps de vous dire en détail, car il faudrait pour cela un volume, comment Bruant s’y était pris pour donner la berlue à tout ce monde et se transformer de loup en agneau, mais il est certain que les Keroulaz, mourant de faim et de chagrin dans leur grenier, opprimaient, selon l’opinion commune, ce pauvre J.-B. Bruant, regorgeant d’or dans ses châteaux.

C’est une belle chose que l’opinion commune, et mon éloquent ami l’abbé de Lamennais, qui fonde là-dessus sa philosophie religieuse, ira loin !

J’avais l’air de céder. À quoi bon battre le briquet pour montrer la lumière à des aveugles ? Vous connaissez le pire sourd du proverbe. De toutes mes affaires, l’appel Keroulaz était la seule négligée. J’avais donné ordre à l’avoué de suivre mollement et de se désister à la dernière heure, avant de produire la pièce principale. Nous étions admirablement servis en