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LE POISSON D’OR

ceci par le mauvais Vouloir de la Cour, car il faut remarquer qu’il s’agissait de biensnationalement acquis. Ces biens étaient alors favorisés comme ils ont été persécutés depuis. Chez nous, les choses vont et viennent.

Mais, à l’abri de cette fausse trêve, je combattais sourdement et sans relâche. C’était désormais chez moi de la passion.

Un jour la cour du lycée de Rennes vit un curieux et attachant spectacle. Cinq matelots, portant le costume traditionnel, vinrent demander un des élèves internes et l’embrassèrent en pleurant devant tout le monde. L’élève était Vincent, qui, par parenthèse, faisait de merveilleux progrès ; les visiteurs étaient patron Seveno et nos quatre loups de mer du cabaret Mikelic.

Ils n’étaient pas venus à Rennes pour voir Penilis qui s’appelait décidément aujourd’hui Vincent de Chédéglise ; ils étaient venus pour voir M. l’avocat.

Et M. l’avocat les avait stylés de main de maître. Honni soit qui mal y pense ! La guerre sainte était déclarée ; désormais, toutes les armes m’étaient bonnes depuis l’épingle jusqu’au canon…

Ici, Son Excellence s’arrêta pour écouter les douze coups de minuit qui sonnaient à la pendule. La marquise baussa les épaules avec dépit ; elle avait de ces impatiences contre la marche inexorable du temps. Elle devina la pensée du ministre sur ses lèvres et s’écria impétueusement :

— N’abrégez pas, monseigneur, au nom du ciel ! Une histoire abrégée est comme un dîner réchauffé. J’ai beau faire, la pendule avance toujours, et, Dieu merci, nous avons le temps.