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LE POISSON D’OR

— Demain matin, murmura M. de Corbière, nous avons conseil chez le roi.

La marquise fit une réponse digne des Romains de Corneille.

— C’est égal ! dit-elle.

Son Excellente sourit, s’inclina et reprit

— Je n’ai jamais eu la pensée, mesdames, d’entrer dans les détails de ma lutte contre le Judas. Pour cela ce n’est plus un volume qu’il faudrait, mais bien toute une bibliothèque. Je ne prétendais pas obtenir une restitution complète : à vrai dire, il n’en était pas besoin. Je voulais pour mes pauvres amis une aisance indépendante et honorable, pas davantage.

À ce prix, je ne demandais pas mieux que de laisser mourir l’assassin dans son lit. En somme, ma mission n’était pas de punir.

Mais cette réparation, je la voulais avec une ténacité de fer, et, pour y arriver, j’aurais dressé l’échafaud sans hésiter au-devant du coupable.

Avant d’aborder le récit de la scène étrange qui doit terminer ce récit, je dois vous exposer brièvement deux ordres de faits remplissant l’intervalle d’une année.

M. Bruant venait de prendre la fourniture de la division navale de l’Océan, ce qui doublait tout d’un coup son importance. L’attaquer dans son influence croissante sur les hautes classes sociales, c’était désormais l’impossible. À Lorient, il était roi ; restait donc la classe populaire.

C’est ici ma confession : j’ai été une fois dans ma vie un révolutionnaire, et j’ai pu me rendre compte, hélas ! de l’extrême facilité du métier. Au début, je n’avais guère pour moi que Seveno et son équipage ;