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LE POISSON D’OR

— Protégez-moi, mon bon monsieur Keroulaz !… ils veulent mon sang… mon pauvre sang innocent !

Il avait fait plusieurs pas dans la chambre en courant, comme s’il eût été poursuivi. Au moment où il m’aperçut, il recula jusqu’à la porte.

— Ah ! murmura-t-il d’une voix étranglée, c’est cela ! Je vois la conspiration !

Il sortit et se trouva face à face avec Vincent. Ce fut pour lui la tête de Méduse.

— C’est cela ! c’est cela ! répéta-t-il en s’affaissant au coin de la porte, en dedans. Ils sont tous là c’est la fin ! c’est la fin !

— Faut-il le jeter dehors ? me demanda Vincent.

Dehors, les cris redoublaient.

— À l’eau le Judas ! à l’eau !

On en oubliait la danse. J’entendais qu’on escaladait le mur du petit jardin sur lequel s’ouvrait la croisée. J’allai à la fenêtre, et je dis :

— Que personne n’entre. Respectez le logis d’un mourant.

Le bruit cessa aussitôt.

M. Bruant me regarda stupéfait, Il se releva et vint à moi à petits pas.

— Est-ce que vous voulez les mille louis ? glissa-t-il à mon oreille. Je vous les promets. Je ne les ai pas sur moi, mais je suis prêt à signer. Il faut être en règle.

M. Keroulaz avait fermé les yeux. Le calme de son visage faisait un étrange contraste avec la détresse peinte sur les traits du misérable. Moi, je cherchais laborieusement à me dresser un plan de conduite, mais je ne trouvais en mon cerveau que trouble et doute. Que faire, en effet ?

— S’ils me tuaient, reprit le Judas, un peu remis de