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LE POISSON D’OR

sa terreur, Vous n’auriez rien… pas un centime entendez-vous ?

Et me saisissant le bras :

— La jeune fille veut m’épouser, ajouta-t-il avec une conviction profonde. Ce n’est pas par intérêt ! Elle a le cœur d’un ange. Quand on lui dit que j’ai fait ceci ou cela, elle n’en croit pas un mot. Clabaudages ! clabaudages !… Il ne faut pas faire de chagrin aux jeunes filles, n’est-ce-pas, monsieur Corbière ?…

Il prit un ton solennel pour achever :

— On a vu des jeunes filles qui se tuaient dans ces cas-là !

Un frôlement léger se fit derrière mon dos. Je tournai la tête et j’aperçus une demi-douzaine de rudes figures qui s’encadraient dans la baie de la fenêtre. C’était patron Seveno avec son équipage. Ils venaient voir si rien de fâcheux n’arrivait à M. l’avocat.

En ce moment, le grand-père rouvrit les yeux et les fixa sur M. Bruant. Son regard avait un éclat étrange.

— Cet homme-là va mourir avant moi, dit-il.

— Pas encore s’écria le Judas, qui tendit ses deux mains vers les matelots. Je n’ai rien fait ! jamais de mal à personne ! ce n’est pas moi ! Je consens à jurer sur l’évangile !

— La main de Dieu est sur lui ! dit encore le vieillard.

Et c’était grave comme une prophétie. Je me sentis du froid dans les veines.

— S’agit-il de Dieu ? fit cependant M. Bruant, dont la face hâve s’éclaira soudain d’un sourire moqueur. Bien ! bien ! monsieur Keroulaz. Nous avons le temps, si c’est Dieu qui travaille !