Page:Le poisson d'or.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
LE POISSON D’OR

vers le Judas, qui perdit quelque peu de son assurance. Je pris alors la parole malgré moi, et comme si une voix étrangère m’eût dicté une pensée qui n’était pas la mienne :

— Il n’y a pas besoin de deux quittances, dis-je, répondant à la dernière provocation du Judas.

— Vous avez bien vu ce qu’elle valait… commençât-il.

— Elle vaudra mieux, interrompis-je, si deux mille témoins viennent l’appuyer.

Le grand-père m’adressa un signe de souriante approbation et mes matelots battirent des mains.

— Deux mille témoins répéta Bruant. Où les prendrez-vous ?

— Rien que sur vos bateaux de pêche, j’en aurai cent,

— Et de quoi témoigneront-ils ?

— De ce que tout le monde sait, monsieur Bruant. Vous avez eu chez moi votre premier accès de folie constaté. Vous en souvenez-vous ! La nuit où vous avez couché dans mon lit ? Depuis lors, vous avez eu bien des accès et vous avez toujours conté la même histoire.

Sa joue se rida et prit des tons terreux.

— Tu mens ! balbutia-t-il, tandis qu’une frange d’écume venait à ses lèvres.

— Toujours la même histoire, toujours s’écrièrent vingt voix dans le jardin.

Ceux qui étaient là trouvaient enfin un défaut à l’effrontée cuirasse de Judas et frappaient de tout leur cœur.

— Vous mentez répéta-t-il avec effort, vous mentez !