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LE POISSON D’OR

— Chiffrez, dit le Judas avec froideur.

— La moitié de tout ce que vous possédez.

— Sur-le-champ ou après mon décès ?

— Sur-le-champ.

Son calme était un mensonge. Entre ses lèvres serrées, j’entendais ses dents qui grinçaient.

— Bonne affaire ! dit-il en ricanant. Les deux domaines ne rapportaient pas cinquante mille livres, et, avec les bénéfices de ma fourniture, je vais avoir cent mille écus de revenus.

Puis, avec une soudaine exaltation :

— À l’aide au guet-apens ! Je te mènerai jusqu’à l’échafaud, Corbière ! Es-tu plus fort que le premier président ? Pèseras-tu seulement une demi-once contre le procureur général ? Ce sont mes amis ! Le préfet maritime est mon ami ! Et le commissaire de police ! Et l’inspecteur de la navigation ! Les petits et les grands ! À Rennes, à Port-Louis, partout ! J’enverrai des cadeaux à Paris ! Vous conspirez contre l’empereur ! Je prouverai, cela. Je suis le bienfaiteur du pays. Je fais travailler quatre cents paires de bras. Je vais fonder un hôpital ! Il y a des gendarmes ; je les ai vus en passant. On assassine un patriote ! Au secours ! au secours !

En parlant, ou plutôt en rugissant, il se démenait comme un possédé. C’était le paroxysme de la crise. Nul ne lui répondit, et je vous demande pardon, mesdames, de reproduire à vos oreilles les seules paroles qui furent prononcées. Seveno, à cheval sur le mur du jardin, dit aux danseurs, le plus tranquillement du monde :

— Les gars et les filles, venez Voir crever un chien enragé !