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LE POISSON D’OR

Tout n’était pas fini, cependant. Bruant, épuisé, se laissa tomber sur un siège et mit sa tête entre ses mains pour pleurer, selon son habitude. Il n’était, en vérité, plus question de l’agonie du grand-père, dont le visage pâle et doux exprimait la suprême sérénité. C’était pour le Judas que Jeanne, compatissante, nous implorait du regard.

Après quelques secondes, et dans ces situations les secondes sont longues, Bruant découvrit sa figure. Ses yeux gris essayaient un sourire patelin.

— Vous êtes un jeune homme vertueux, monsieur Corbière, me dit-il humblement. Mon bon monsieur Keroulaz, je respecte votre état. Réfléchissez seulement un petit peu, et vous verrez que rien ne me forçait de venir. Savez-vous pourquoi je suis venu ? Je n’ai pas d’enfants, pas d’héritiers. Hein, petite Jeanne ? Mme Bruant aura des voitures, des diamants et des cachemires !

Jeanne fit un geste d’horreur.

— Que diriez-vous, continua le Judas du ton qu’on prend dans les familles bien unies pour annoncer la naïve surprise du jour de l’an aux petits enfants curieux, que diriez-vous si j’avais mon testament dans ma poche ? Hé, hé ! monsieur Corbière, vous ne vous attendiez pas à cela ? C’est avec le miel qu’on prend les mouches, hé, hé non pas avec du vinaigre… je veux du bien à cette famille-là, moi ; qui m’en empêche ? Ai-je des fils ou des filles pour réclamer mon héritage ? Pas un neveu seulement Vous croyez que je ris ?

Il mit la main à sa poche et en retira un rouleau de parchemin qu’il me tendit.

Ai-je oublié de mentionner ce détail, que dans sa