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LE POISSON D’OR

— Borde en douceur commande une voix auprès de nous.

C’était la Jeanne qui poussait au large. Seveno dit encore :

— Gouverne à lui couper le chenal.

Vincent et moi nous sautâmes à bord au moment où la barque s’éloignait de terre. Nos amis ne nous attendaient pas, et Seveno nous reçut mal.

— Pas moins, monsieur l’avocat, me dit-il assez péremptoirement, ce n’est pas ici votre place. Il n’y a rien à plaidasser pour l’instant… Quant à toi, monsieur Vincent, ajouta-t-il d’un ton tout à fait provoquant, si vous faites votre tête, on te débarque à la mer, sans cérémonie, comme quoi je suis le maître ici et que tout m’y regarde !

Je serrai fortement le bras de Vincent. Nous nous assîmes tous deux sur la vergue de misaine qui était amenée. La Jeanne avait déjà dépassé les écueils qui défendent la jetée et sur lesquels il y avait en ce moment douze pieds d’eau. Bruant n’était pas loin de nous ; il faisait la planche tranquillement et jouait avec la lame. Tout en nageant, il s’était débarrassé de son ample redingote, qui flottait entre lui et nous. Il n’avait plus peur il nous parlait, il nous narguait. Quand il découvrit la manœuvre de Seveno, il éclata de rire.

— Matelot, cria-t-il, je n’ai pas envie de rentrer sitôt chez moi. Faisons-nous une promenade ? Fournis-moi de vivres et je te mènerai jusqu’en Amérique !

Le mouvement que nous avions fait vers le chenal le mettait entre le rivage et nous. Il plongea et resta quelque temps sous l’eau.

— Marquez l’endroit, mes garcons, dit tout bas