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LE POISSON D’OR

précipiter jamais ses mouvements. À voir la puissance de détente que gardaient ses articulations, à voir surtout la régularité facile de sa propulsion, l’idée de l’homme-poisson revenait toujours, et l’on se prenait à penser que ce virtuose de la natation était infatigable comme les habitants de la mer.

Nous avions dépassé les Errants de plus d’une demi-lieue et nous étions dans les couraux de l’ouest. En avançant, notre marche subissait des altérations notables, à cause du courant, très variable en ces parages. Le courant de jusant ou de reflux, qui va de la rade vers le large, se compose de toute l’eau que le flux a engouffrée dans le Scorf, dans le Blavet et dans la rivière du Ter. Aux grandes marées, c’est une immense masse liquide qui forme au milieu de l’Océan un véritable fleuve et qui conserve fort longtemps sa vitesse acquise.

Mais le cours de ce fleuve marin est capricieux, ou du moins très divisé. La carte qu’on en ferait ressemblerait assez à ce réseau de rivières, formé par les embouchures du Rhône, entre les Saintes-Marie et la tour de Bouc. Au sortir de la rade, le courant unique se dirige plein sud ; l’écueil des Errants le coupe en deux, envoyant la plus forte portion vers le sud-est, l’autre vers le sud-ouest ce sont les routes d’Espagne et d’Angleterre qui passent des deux côtés de l’île de Groix. Au de la des Errants, cependant, un troisième courant se fait, produit par les remous des deux premiers. Celui-là va droit à l’île, dont l’approche l’épanouit et renvoie la majeure partie de ses eaux vers l’ouest. C’est ce qu’on appelle proprement les couraux : chose vague, fantaisie géographique qui varie de jour en jour, selon les marées, comme chan-