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LE POISSON D’OR

Cette phase dura peu, il est vrai. Au bout de deux ou trois minutes, il reprit conscience de lui-même et retrouva son allure, mais la cause de son trouble subsistait ; quelle que fût sa vaillance à soutenir la lutte, il avait un ennemi de plus, un ennemi qui ne pardonne pas.

— Des fois, par l’orage, dit patron Seveno en manière d’explication, il a comme ça des coups de sang. C’est connu.

Ainsi, M. Bruant venait d’avoir un petit coup de sang.

C’est aussi la foudre. Il n’est point d’homme à qui ce mot ne donne une secrète épouvante. Les plus braves peuvent redouter l’apoplexie, au coin de leur feu ou dans leur lit, entourés qu’ils sont de leur famille, à portée de leur médecin, pourvus enfin de tous les secours que l’affection et la science peuvent prodiguer pour vivre, la religion pour mourir.

Mais l’apoplexie au milieu de la mer, quand la tête seule se soutient hors de l’eau et que le corps est déjà noyé ! L’apoplexie quand la mort vous entoure étroitement, vous presse de toutes parts, vous enveloppe et vous embrasse ; quand on a besoin, pour tenir seulement son souffle au-dessus de l’asphyxie, de toute sa vigueur et de toute son adresse ! Mesdames, j’eus pitié de ce malheureux homme sur qui la main de Dieu semblait si lourdement s’appesantir !

— Appuyez ferme 1 appuyez m’écriai-je. Vous serez récompensés, mes amis !

— Là où nous sommes, on ne travaille pas pour or ni pour argent, monsieur l’avocat, me répondit Seveno sans s’émouvoir. Mais ne vous faites pas de mal pour le Judas : un quelqu’un de son numéro ne peut pas