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LE POISSON D’OR

d’abri et la mer devenait relativement calme, quoique la tourmente fût dans toute sa force. Le bruit du ressac, brisant sur la grève qui commençait à se découvrir, était dominé par des bruits plus lointains et bien autrement assourdissants. Ces bruits venaient du large et de la côte sud de l’île où l’effort de la lame se portait. L’obscurité était si profonde que, d’un bout à l’autre de la barque, nous distinguions difficilement les objets. Cependant l’œil s’habituait à ces ténèbres et détachait confusément du ciel noir la silhouette plus noire de Groix. Quant à découvrir un objet quelconque sur la surface de l’eau, impossible.

Les éclairs étaient rares et faibles entre ces grands déchirements qui mettaient le feu aux quatre coins du ciel. Il s’écoula un assez long intervalle avant que nous puissions apercevoir Bruant de nouveau. Nous savions où il était, néanmoins, par ses cris, qui se renouvelaient périodiquement et que nous entendions plus rapprochés, quand les rafales portaient. Au lieu de se diriger vers la grève, il inclinait à l’ouest, ce qui allongeait sa route, et cependant ses plaintes plus fréquentes et plus faibles annonçaient une rapide diminution de forces.

— C’est malin, les fous ! murmura Seveno.

Et Jean-Pierre répondit :

— Nous allons en perdition… roches à bâbord !

— Roches à tribord ! annonça de son côté Vincent. Mon aviren s’est pris dans les goëmons !

Un troisième embrasement se fit, qui nous montra autour de nous une forêt d’écueils. Le Judas était à cent pas de nous, vers l’ouest, et touchait presque la base de ce gigantesque éperon qui défend Groix contre le vent du couchant. Il se débattait, mais il triom-