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LE POISSON D’OR

— Mes amis, demandai-je, que s’est-il donc passé ?

Patron Seveno mit aussitôt la barre sous son aisselle et prit sa pose d’orateur.

— Comme quoi, dit-il, on n’a pas eu le temps d’embarquer une chopine d’eau-de-vie, et c’est dommage… Bourre m’en une, Jean-Pierre… Voilà donc, monsieur l’avocat, qu’en sortant des roches, nous avons perdu les deux avirons de bâbord contre un voleur d’écueil qu’à nom le Cochon de lait, sauf le respect qui vous est dû. Il faisait noir comme dans l’enfer, et le diable chantait ses litanies sur l’air de : « J’allume ma pipe au fond d’un puits. » Voyant comme ça qu’on ne battait plus que d’une aile, voilà une lame qui s’amuse à nous prendre par le travers. Va-z’y voir ! C’est là que je me suis aperçu de la chose que vous aviez perdu la boule, excusez, car vous vous laissiez noyer sous votre banc tout doucement… Attrape à vider que je dis et partage les avirons qui restent… Bah ! ce n’était pas trop de quatre morceaux de bois, pourtant, pour tenir la barque debout au temps ! mais on se met deux sur chaque, quoi, et ce n’est pas tous les jours dimanche !

C’est bon. Nous avions doublé la pointe et nous rangions le Trou-Tonnerre de plus près que nous ne voulions. C’est connu que le Trou-Tonnerre vous attire quand on passe tout contre. Que voulez-vous ? Je dis « Veille au Judas, Jean-Pierre, » quand l’idée m’en revint, car je l’avais un petit peu mis de côté. Jean-Pierre me fait : « Patron, faudrait une chandelle. » J’étais trop loin pour avoir le plaisir de lui allonger un coup de pied. Un éclair ! « Allons, cherche ! v’là la chandelle ! » Pas plus de Judas que sur la main ! Un second éclair ! On braque tous les yeux, ici et là, près