Page:Le premier cartulaire de l'Abbaye cistercienne de Pontigny.pdf/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
cartulaire de l’abbaye cistercienne de pontigny.

Nous voyons même la comtesse de Troyes, Marie, demander en contre-partie du don d’une rente que l’abbaye de Pontigny célèbre une messe en faveur de son fils[1]. Mais, à l’exception d’un acte de 1118,dans lequel le donateur met comme condition à son aumône la célébration de l’anniversaire de sa femme par les moines de Pontigny[2], les exemples de ces exigences sont tardifs et n’apparaissent que vers 1186[3]. Au total, l’ensemble des donations consenties au monastère de Pontigny au xiie siècle représente un peu plus de 62 % des actes rassemblés dans le cartulaire.

Les échanges et accords constituent le second mode d’accroissement du monastère[4]. L’ensemble de ces actes, qui forme 26 % du total, est essentiellement passé avec d’autres abbayes du voisinage Molesme, Vauluisant ou Celle. Le premier date de 1133 et fut passé avec Saint-Martin de Chablis[5].

Le dernier mode d’acquisition que connut Pontigny est l’achat[6]. Il est bien moins important que les deux autres, puisqu’il n’englobe que 6 actes. Le premier date de 1119[7], mais c’est un cas isolé qui s’explique par le fait que les moines, pour s’installer à Pontigny même et y bâtir leur abbaye, ont dû avoir besoin de la terre de Jean Dumoulin qui se trouvait en ces lieux. D’ailleurs ce n’est que vingt-cinq ans plus tard que Pontigny fit un second achat[8], et la plupart des autres acquisitions à titre onéreux se situent entre 1160 et 1190. Ce peu d’empressement à acheter des biens peut s’expliquer par le fait que le Chapitre général lui-même s’est toujours élevé contre cette pratique[9], sans être, d’ailleurs, beaucoup écouté. On peut même noter que l’achat, s’il resta peu usité au xiie siècle, fut plus précocement employé, comme mode d’accroissement, à Pontigny que dans d’autres abbayes cisterciennes, et en particuler à Clairvaux qui n’effectua son premier achat que trente-deux ans après sa fondation[10].

On voit donc que l’essor de Pontigny ne fut possible au départ que grâce aux nombreuses aumônes des fidèles, mais que bien vite l’abbaye, par un début de politique d’accords, d’échanges et d’achats plus ou moins spontanés, a su arrondir le noyau initial de ses possessions et le rendre plus cohérent c’est là tout le problème de la politique d’expansion de Pontigny que nous devinons ici et qui apparaîtra encore plus nettement dans l’étude chronologique du temporel de l’abbaye.


La nature économique des biens.

La nature économique des biens acquis par le monastère est très variée, d’autant qu’il est parfois difficile de déterminer si les termes employés repré-

  1. N° 200.
  2. N° 95.
  3. Ex. : n° 341.
  4. Ce mode d’acquisition fut autorisé par les Statuts dans le cas où les possessions données sont trop éloignées (id…, p. 118, n° I.).
  5. N° 102.
  6. nos 9, 57, 88, 89, 104, 134, 149, 153, 279.
  7. N° 89.
  8. N° 104.
  9. Canivez, Statuta…, p. 117 : {{lang|la|texte=… proposuimus firmiter… ut… ab omni emptione… terrarum et quarumcumque possessionum immobilium abstineamus.
  10. H. d’Arbois de Jubainville, Études…, p. 148.