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LA PETITE CANADIENNE

LA VIE CANADIENNE LITTERATURE ET LITTERATEURS (Supplément au “Roman Canadien’’) Publié dans le but de mettre plus de vie dans le monde littéraire canadien et de coopérer à l’oeuvre du “Roman Canadien”. Nous recevrons avec plaisir les manuscrits que l’on voudra bien nous soumettre. GERARD MALCHELOSSE Directeur Toute correspondance devra être adressée : “LA VIE CANADIENNE’’ Casier postal 969 MONTREAL temps des Français Québec était une autre « Cour de Versailles » avec ses intrigues et ses mystères, sous le régime suivant c’était une autre « Cour de Londres ». On a dû faire disparaître tout ce qui pouvait ternir la réputation des gouverneurs et autres grands personnages, comme tout ce qui était susceptible d’établir la loyauté des Canadiens et la justesse de leurs revendications. On s’imagine déjà de quelles basses et perfides intrigues nés hommes publics du temps étaient l’objet dans le cercle venimeux des administrateurs anglais. Ceux-là avaient trOp de franchise en face des sournoiseries de ceux-ci. Si Papineau, après avoir enflammé le peuple, s’est défendu de l’avoir voulu mener aux armes, c’est qu’il sentait bien et voyait que les fonctionnaires anglais, les premiers, nous poussaient aux armes, et Papineau avait le sentiment qu’on ferait rejaillir sur lui le sang répandu. Mais que pouvait-il faire ? Sa parole éclatante ne retentissait plus comme auparavant, lorsqu’elle faisait trembler la clique tout entière. Lui et ses collègues se trouvaient pris dans un engrenage savamment préparé par leurs adversaires, ou, plus justement, par leurs ennemis. Benjamin Suite n’a pas vécu assez longtemps pour arriver à démêler l’écheveau de ces intrigues d’où, aujourd’hui, surgiraient de terribles vérités propres à nous venger et à rétablir la légitimité de nos droits, comme à nous rehausser dans l’estime des nations étrangères, sinon dans leur admiration. Si Benjamin Suite a vu clair dans certains chemins obscurs de cette époque, il semble s’égarer ailleurs. Il paraît affirmer que nous fûmes aimés de certains de nos gouverneurs anglais. . . Sans doute, il y va avec une certaine réserve, car c’est s’avancer, là, assez témérairement. Mais comme il est prudent, et n’ayant pu tirer toutes choses au clair, il laissera à l’écrivain de l’avenir le soin d’extirper les secrets de cet amour de nos gouverneurs anglais, « amour » dont personne encore n’a fait la preuve. Au lieu d’amour, il arrivera plus justement que l’écrivain de demain découvrira, au coeur de nos gouverneurs britanniques, le résidu des venins qu’ils auront distillés contre nous. Certes, nous pouvons nous tromper, surtout quand on songe que seuls nos hommes publics, honorés et flattés à pattes de velours par lés gouverneurs anglais, leur ont rendu hommage. Mais descendons chez le peuple.. . le peuple qui, ne sachant exprimer ses pensées, redoutant même de les exprimer, souffrait et n’ignorait pas d’où lui venait son mal. . . Ah ! ce peuple qu’on a voulu faire passer pour « un peuple heureux » sous le régime anglais ! Aucun historien consciencieux n’oserait faire cette affirmation. Suite, néanmoins, est porté à penser qu’il fut plus heureux sous le deuxième que sous le premier régime, lorsqu’il écrit que « sous le régime français nos ancêtres ne jouissaient d’aucune des libertés apportées dans’ notre pays par la démocratie anglaise ». «Jouir » et « libertés » sont là deux mots qui peuvent s’entendre d’une façon différente. Mais s’il est vrai que les Anglais nous ont apporté des « libertés politiques » (présent que notre peuple ne savait pas comprendre), il faut bien reconnaître, d’un autre côté, que ces libertés devaient être payées au prix d’autres et d’anciennes de nos libertés bien plus précieuses. Non... ce cadeau des Anglais sé" trouvait trop chèrement payé, et nous ne pouvions pas nous trouver heureux dans Ces « libertés » qui n’étaiént qu’une chaîne dorée. Car nous qui étions d’une autre’ race, d’autres moeurs, d’autres coutumes, d’autres lan¬