Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/144

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prolongeait à l’infini, c’était comme une coupure, un abîme infernal.

— Voilà, voilà, se disait Madeleine, les mains crispées au siège.

Et, de fait, on y arriva.

Jamais Jacques ne l’aborda avec la même audace. Madeleine eut l’impression qu’on allait s’écraser sur le talus adverse. Et ce fut comme si la voiture pivotait sur elle-même. Et soudain, devant soi, la route apparut, redressée, toute droite. On était sauvé.

Mais tout de suite, au sortir du virage, Madeleine eut la vision confuse de quelque chose qui était par terre, sur le bord du chemin. Un petit soubresaut se produisit, la voiture se souleva un peu sur le côté et passa.

— Qu’y a-t-il ?… Quoi ?… Vous avez vu ? gémit Madeleine, la voix rauque.

— Je ne sais trop, répondit Jacques, je n’ai pas bien discerné… je crois que c’est un enfant… votre fils peut-être…

Madeleine poussa un cri et s’évanouit.

Une heure durant, parmi les forêts et les plaines, il la promena ainsi, à demi-morte. De temps en temps il la regardait, avec un sourire de haine assouvie, féroce…

Maurice LEBLANC.