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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/191

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Et puis la jeune fille avait tant de bonne grâce ! Elle me montra ses mains en riant, ses jolies mains toutes noircies. Sa bouche, un peu grande, s’entr’ouvrait sur d’admirables dents blanches. Elle avait un teint chaud, comme frotté de soleil, des épaules larges, une attitude de force et de belle santé.

Je lui offris de la conduire jusqu’à Saint-Jore.

— Eh ! mon Dieu, s’écria-t-elle, que dirait-on si l’on me voyait revenir ainsi ?

Je n’osai insister. Quelques minutes après, n’ayant point de prétexte pour m’attarder davantage, je dus partir.

Mais à Saint-Jore je n’eus d’autre idée que d’en apprendre davantage sur mon inconnue. Tout de suite la patronne de l’hôtel me renseigna :

— Une jeune fille en robe rose avec une ombrelle blanche, et qui à réparé votre automobile ? Eh ! parbleu, c’est mademoiselle Géreuse, la sœur du mécanicien.

— Impossible !

— Oh ! M. Géreuse est un jeune homme très bien. Il est venu de Paris, il y a deux mois, et il a monté ce magasin pour l’été seulement. L’endroit est bon, très passager. Ses affaires vont bien.

Ma curiosité n’était point satisfaite. J’imaginais tout un roman, le frère et la sœur riches, menant grand train, ayant chevaux et automobiles, puis, après des revers de fortune, obligés de vendre et de travailler.

La vérité n’était point si romanesque. André Géreuse travaillait parce qu’il avait toujours eu besoin de gagner sa vie, n’ayant jamais été riche. Et c’est auprès de lui, par goût, un peu par nécessité, sa sœur Lucienne avait appris le métier.

Pour savoir cela, bien entendu, il me fallut plus d’une heure. Je dus faire connaissance avec André Géreuse et me lier avec lui, sans toutefois porter ombrage à mademoiselle Lucienne. Mais Veulette est à deux lieues de Saint-Jore, Veulette est au bord de la mer, et un séjour au bord de la mer n’est-il pas indispensable en été ?