Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouteilles de bon vin, et égayait les promenades d’entraînement de longues stations au cabaret ! Il est vrai que le sport ne perdait jamais ses droits. Au cabaret, par exemple, les « poulains » de M. Redoré — il les appelait ainsi — devaient alternativement tenir leurs verres à bras tendu le plus longtemps possible, quatre, cinq, six minutes…

Raffinement fort ingénieux, il faut l’avouer, et qui stimulait les fécondes rivalités, le vainqueur ayant droit sur-le-champ à une nouvelle rasade.

Et vraiment, de la sorte, le village de Gourel finit par prendre des apparences sportives qui tranchaient sur la torpeur retardataire des villages avoisinants. On y voyait des troupes de gamins manœuvrer au pas gymnastique, des adolescents franchir à toute vitesse la distance qui séparait leur logis de l’usine.

Pour affirmer le plein succès de ses efforts et montrer chaque année à quoi l’on peut prétendre avec l’esprit de méthode et la patience, M. Redoré décida la création d’une fête annuelle. La première aurait lieu le 15 septembre. On eut deux mois pour se préparer, ce qui n’était pas trop, vu importance des prix et l’éclat que l’on voulait donner à cette fête.

Ce fut un instant solennel que celui où M. Redoré passa sous la banderole de calicot blanc qui portait en lettres noires : « Honneur à M. Redoré, l’initiateur sportif de Gourel ». Au premier rang sur l’estrade le maire, les adjoints, le curé, puis le conseil municipal, le conseil de fabrique, enfin toutes les notabilités que l’annonce d’un buffet copieux avait attirées. À l’entour, la foule.

Et cela se passa merveilleusement. D’abord une courte conférence sportive par M. Redoré, sur les jeux Olympiques, sur la tentative méritoire qu’il faisait pour les restaurer à Gourel, et sur les dimensions du stade choisi pour la circonstance. Ensuite ouverture des jeux.

Ils commencèrent par une course à cloche-pied (pied droit à l’aller, pied gauche au retour), meilleur moyen de fortifier les jambes en les utilisant alternativement (système Redoré).