Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/246

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Je le regardai. Aucune émotion n’altérait son visage. Il exerçait un métier, et c’est tout. Il avait conservé sa place dans la famille Saint-Gérat. La famille n’existait plus, il l’avait anéantie, mais la place subsistait.

Et pourquoi pas, après tout ? Ne faut-il pas vivre ? Parce qu’on tire son gagne-pain d’une situation un peu délicate, un peu macabre, est-ce une raison pour s’émouvoir à chaque bouchée que l’on mange, et pour se lamenter sur l’irréparable ? Sensibilité absurde, scrupules déplacés !

Je lui donnai mon aumône. Il l’accepta dignement.

D’autres touristes survinrent. Il s’en alla vers eux en clopinant, du bout de sa béquille leur montra le cadavre de l’automobile, et je l’entendis qui débitait :

— C’est ici que…

Maurice LEBLANC.