Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/251

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Ou bien :

— Enfin, vous êtes là, mon Hermine… paroles passionnées, déclarations ardentes qui bouleversaient Mlle Frivolet.

Une heure entière elle glissa près de lui. Où allaient-ils, mon Dieu ? Vers quelles régions inexplorées et perdues ?

L’homme dit :

— Je vous aime !

Elle répondit :

— Moi aussi !

Oui, elle l’aimait, et d’un amour définitif. Elle avait donné toute sa vie à ce mystérieux inconnu qui lui révélait tant de choses. Il était vraiment le fiancé attendu, le maître, l’époux.

— Nous sommes arrivés, dit-il.

Ils descendirent. Il ouvrit la petite porte d’un jardin, puis la porte d’une maison et Hermine le suivait comme si elle accomplissait l’acte le plus naturel du monde. Elle était ivre de joie.

Il l’introduisit dans un salon brillamment illuminé. Sur la table un souper luxueux était servi.

Hermine chancela. La minute avait sonné de savoir, de regarder… Qui était-ce ?… Qui donc l’aimait ainsi ?

Elle se retourna. Chanoine, son vieil ami Chanoine, était devant elle. Et soudain elle comprit… Ce salon… cette maison… Cette collection de cailloux… Chanoine, après beaucoup de détours, l’avait ramenée à Gerville, chez lui !

Il tomba à ses genoux et bégaya :

— Oui. c’est moi, Mademoiselle… J’ai voulu vous prouver… que je vous aimais… Comme vous voulez être aimée… Me pardonnerez-vous ?

Elle le regardait infiniment. C’était bien Chanoine, en effet, mais c’était un autre aussi, plus jeune, plus élégant, plus passionné, et celui-ci lui semblait tout à coup le vrai et l’unique Chanoine. L’ancien, le Chanoine ennuyeux, fade, vulgaire, s’effaçait de plus en plus sous l’image vigoureuse du nouveau compagnon de ses rêves.