VIEILLE NOBLESSE
À sept heures du matin, dix kilomètres après Pougues, mon moteur grippa. Il n’y avait qu’une chose à faire, puisqu’un rendez-vous urgent m’appelait le lendemain à Grenoble : c’était de laisser la voiture à mon chauffeur et d’aller prendre le train à Nevers.
Au moment même où je m’y décidais, une automobile arrivait vers nous. Nous voyant en panne, le conducteur arrêta. Je reconnus la 40-chevaux du prince de Géricourt. La veille, au Splendide Hôtel de Pougues, il dînait avec sa femme à la table voisine de la mienne.
De fait, ce fut bien lui qui descendit et m’offrit sas services. C’est un homme grand, d’une élégance irréprochable, et dont la figure, soigneusement rasée, à la façon anglaise, accuse l’énergie et l’intelligence. Son aménité me séduisit. Mis au courant de ma mésaventure, il me proposa aussitôt de m’emmener.
— Cela ne nous dérange nullement ; nous allons à Aix-les-Bains, Grenoble est tout près, et par le chemin de fer…
Il insista avec tant de bonne grâce que j’acceptai.
La princesse de Géricourt, à laquelle il me présenta, allie tous les charmes de l’esprit à la distinction la plus raffinée. D’un abord un peu froid, presque intimidante à force de réserve, elle se détend à la longue, s’échauffe et devient elle-même, c’est-à-dire cordiale, simple, tout fait bon garçon, suivant l’expression de son mari.