Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/326

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Et je la suivis.

Elle continua la route que j’avais prise, la route nationale. Elle était charmante à regarder, de taille fine, d’allure souple et jeune. Les plis de sa jupe, ramenés du même côté, lui donnaient une silhouette gracieuse d’amazone. En vérité, ma conduite ne me paraissait plus si ridicule.

Nous atteignîmes les premières maisons d’Yvetot. L’un derrière l’autre, moi peut-être à vingt-cinq mètres d’elle, nous traversâmes la petite ville, très lentement, quelque peu cahotés par les pavés inégaux.

Sur la place principale, j’eus une surprise. Il y avait là, assis à la terrasse d’un café, une vingtaine de personnes, hommes et femmes, qui se levèrent tous, et saluèrent mon inconnue en agitant chapeaux, cannes et mouchoirs. Elle remercia par une inclinaison de tête.

Nous sortîmes d’Yvetot, et tout de suite ce fut une série de routes étroites et sinueuses où je perdis toute idée d’orientation. Je vis des noms, Baons-le-Comte, Veauville. Cette promenade allait-elle continuer longtemps de la sorte ? Où me conduisait-on ? et dans quel but ?

Pour moi il n’y avait qu’un but : aborder l’inconnue, lier conversation avec elle. Mais, à chaque instant, elle se retournait et me faisait signe de prendre patience et d’être prudent. Sans aucun doute un danger nous menaçait.

À Étoutteville, nouvelle surprise : des gens encore, attablés au café, qui se lèvent au passage de la jeune femme et l’acclament. Elle les salue.

Quelques minutes après, un poteau indicateur m’apprit que nous roulions dans ma direction de Doudeville, et que nous en étions à quatre kilomètres. Cela m’étonna. Pourquoi avait-elle choisi cette route détournée et plus longue ? Et puis c’était donc au lieu même d’où les lettres m’étaient adressées que nous allions ? au lieu où elle demeurait ?

De plus en plus intrigué, à la fois inquiet et ravi de ce mystère, séduit par la grâce de mon inconnue, je goûtais vio-