Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/331

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Il s’avança vers moi, indigné. J’eus peur. Cependant, au fond, je ne doutais pas que tout cela ne fût joué. S’il avait été sincère, un indice quelconque m’eût éclairée depuis longtemps sur cet amour formidable. Et puis, il y avait dans sa voix, à ce moment, dans son attitude, quelque chose de faux et de théâtral qui me gênait.

Soudain il se calma, vint s’asseoir à mes côtés, et me dit d’un ton impérieux

— Je veux que vous me croyiez, il le faut, je l’exige !

Je ne répondis pas. Il me regarda avec des yeux étranges, et il reprit :

— Que puis-je faire pour que vous me croyiez ?… Je suis prêt à tout…

Après un instant il se leva. Je le sentais embarrassé. Visiblement il ne savait comment sortir de cette situation.

Il marcha de long en large, puis s’arrêta devant une panoplie que mon mari s’était amusé autrefois à disposer avec des armes rapportées de voyage. Il prit une petite hache à manche ciselé, en essaya le fil sur son ongle, et revint près de moi.

Il semblait très grave. Il me dit posément, sans émotion :

— Je ne vous demande rien que de croire à mon amour. Si vous ne me répondez pas : « J’y crois », je vais accomplir un acte stupide, mais qui vous prouvera que je suis sincère. Répondez.

Je ne répondis pas.

Vivement il allongea l’index de sa main gauche sur le bord de la table et, d’un coup de hache, le trancha nef.

Je me trouvai mal. Quand je repris mes sens, M. d’Arsac avait disparu.

— Certes, reprit Mme Arnold, et ce curieux personnage ne l’avait point dissimulé, l’acte était stupide, barbare, d’une sauvagerie révoltante et ne pouvait m’inspirer que du dégoût. N’importe ! C’était là un de ces actes qui nous frappent au plus profond de nous-mêmes. Il ne m’était plus possible de douter que cet homme fût extraordinairement courageux, et en outre qu’il m’aimât jusqu’à