Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/369

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sur mon épaule, et Angesty s’écriait en riant :

— Eh bien ! que vous avais-je dit ? Cet imprévu, ce quelque chose que je vous avais annoncé ?

— Je ne saisis pas,

— Comment, je vous invite à faire une excursion en automobile, ce qui est toujours un plaisir, n’est-ce pas ? Et voilà une demi-heure que vous êtes là à vous éreinter, sous le soleil et dans la poussière, tandis que moi je fume un bon cigare à l’ombre d’un arbre. Et vous ne trouvez pas cela du dernier comique ? Et vous ne voyez pas tout ce qu’il y a de charmant, de primesautier, d’original, enfin d’imprévu dans l’aventure ? Mais, sans cette panne bénie nous serions déjà rendus au terme de notre course, tout bêtement. Ah ! mon cher, la panne !

Je le regardai sans un mot, avec une envie folle de lui sauter à la gorge. Il dut avoir un instant la sensation que l’imprévu comique dont le destin gratifiait sa panne pourrait bien tourner au tragique. Il se tut.

Mais, au fait, n’en eût-il pas été ravi ? Combien ma colère eût corsé l’aventure !

Cependant, je jugeai qu’il valait mieux me sécher, endosser mon pardessus et m’efforcer avant tout d’éviter le fâcheux refroidissement. Car, en vérité, la sueur me coulait par tout le corps.

Maurice LEBLANC.