Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/451

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— Il n’y en à qu’une, par Gentilly. L’autre est impraticable.. Et puis, sois tranquille, on sera prudent… comme toujours. Je ne tiens nullement à me casser la tête.

La comtesse descendit avec son mari et sa fille, exigea qu’ils se munissent de fourrures, car le comte n’admettait que l’automobile découverte et une brise assez fraiche soufflait par la campagne. Et, lorsque la voiture eut disparu au détour de l’allée, elle s’installa sur la terrasse, prit son ouvrage et attendit.

À sept heures, ils n’étaient pas revenus. Elle se dit :

— Si dans cinq minutes ils ne sont pas là, c’est qu’il y aura eu un accident.

Au bout de cinq minutes elle s’accorda encore cinq autres minutes, avant de décréter l’accident certain. Les cinq autres s’écoulèrent. Aussitôt, son inquiétude se changea en une angoisse inexprimable.

Et quels remords ! Elle n’aurait pas dû les laisser partir, elle ne l’aurait pas dû ! Il y a des pressentiments auxquels il est coupable de ne pas obéir. Comment se faisait-il que jamais elle n’avait eu de pressentiment, et que jamais encore son mari n’était rentré en retard ? Étrange coïncidence entre les deux faits qui, tous les deux, se produisaient pour la première fois ! Une panne ? Pourquoi justement ce jour-là ?

Elle monta jusqu’au haut d’un petit belvédère qui dominait le château. À l’horizon, personne. La grande route blanche était déserte. Mais un point noir apparut sur la route qui venait de la mer et, à la vitesse avec laquelle il se déplaçait, elle ne douta point que ce ne fût une automobile. Celle de son fils Paul, évidemment… À moins que le comte n’eût fait ce détour, entraîné par le plaisir d’essayer sa voiture.