Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/452

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Elle le souhaita violemment, ne craignant rien pour Paul qui, souvent, ne rentrait que le lendemain. Elle descendit en hâte, traversa la terrasse et courut vers la grille principale. Bientôt, l’automobile arriva, son cœur battit à lui faire mal et elle chancela, tout étourdie.

C’était son fils.

— Ton père n’est pas revenu, cria-t-elle ; il est parti avec Henriette et le mécanicien dans la nouvelle voiture, et ils ne sont pas revenus !

Il s’arrêta. Elle lui dit son anxiété et le supplia d’aller au-devant du comte.

— Mais, ma pauvre mère, je ne te comprends pas… Dans quel état te mets-tu ? Voyons, rassure-toi… d’une minute à l’autre, ils seront ici.

— Non, non, j’en suis sûre… il y a eu un accident… je connais ton père, c’est l’exactitude même.

— Et alors ?

— Alors, va au-devant de lui, je t’en prie… c’est facile… il n’y a qu’une route… je t’en prie… je ne peux pas vivre dans une pareille incertitude…

— Attends un instant.

— Non, tout de suite, il le faut.

Il dut céder. Il contourna la pelouse, devant la façade, puis franchit la grille, et, de la terrasse où elle se posta de nouveau, elle la vit qui s’éloignait entre les deux hautes lignes des peupliers.

Le soleil s’était couché et un peu d’ombre se mêlait à la clarté du jour. Paul activa l’allure, il avait faim, et cette promenade imprévue, qui retardait l’heure du repas, l’agaçait fortement. Et puis, malgré tout, il se sentait troublé par l’épouvante de sa mère, et il avait, par instants, comme une inquiétude obscure de se trouver, à quelque détour du chemin, en face de l’horrible spectacle elle avait évoqué en sa terreur.

— C’est trop bête ! s’écria-t-il. Oui, certes, je vais les voir, mais arrêtés par