Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/453

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une panne stupide, et ils seront les premiers à rire de notre affolement.

Et, par enfantillage, il se dit :

— Voici un tournant… Parions que, trois cents mètres plus loin, je les apercevrai en détresse… mettons trois cent cinquante mètres, mais pas davantage…

Le tournant décrivait son arc de cercle vers la gauche. Il s’amusa, comme il le faisait quelquefois, à virer court, rasant de près le talus.

Au même moment, une automobile, venant en sens inverse, abordait le virage, sur sa droite, elle, et à toute vitesse.

Paul eut juste le temps de reconnaître son père. Le choc fut effroyable. Les deux voitures se cabrèrent l’une contre l’autre, et retombèrent, brisées, pulvérisées.

Il n’y eut pas un cri, pas un gémissement. Par la plaine immense, sous le ciel assombri, la mort passa, silencieuse.

Un oiseau de proie plana au-dessus des quatre cadavres. Puis, les bêtes de la nuit commencèrent à s’éveiller dans la grande paix des champs et de l’espace…

Maurice LEBLANC.