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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

LE CHOIX DU DESTIN

Séparateur

C’était la dernière étape. Paul, sa femme et moi, nous avions parcouru en automobile le nord de l’Italie, le Tyrol et l’Allemagne du Sud et nous retournions vers la petite ville de l’Ardèche où mes amis devaient passer la fin de l’été.

Le matin, devant l’auberge, Paul renouvelait sa provision d’essence. J’attendais à quelques pas. Madeleine s’approcha de moi et me dit, les yeux dans les yeux :

— Alors, c’est fini ?… Demain, vous nous quittez ?

— Oui.

— Vous ne m’aimez donc pas ?

— Si… comme un fou… mais il le faut…

Elle devint toute pâle, comme si elle apprenait soudain la nouvelle de cette inévitable séparation. Elle prononça, presque à haute voix :

— Je vous offre ma vie entière. Dans quelques jours j’irai vous rejoindre. Nous partirons… très loin…

— Et Paul ?

— Je le hais, puisque je vous aime.

Avec quelle violence contenue elle avait dit ces mots, et comme elle était bien la femme, implacable, oublieuse et cruelle !

— Paul est mon ami, répondis-je, ce que vous me proposez est impossible.

— Ainsi donc, nous n’avons plus rien à espérer… notre vie est terminée… tout l’avenir tient dans la minute présente ?…

Elle se tut, puis reprit d’une voix plus basse :

— Et si je vous offrais… si je vous offrais de mourir… avec moi ?