Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/457

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mari, et de ses deux mains saisit le volant.

Voilà l’effroyable vérité.

Paul fut tué net.

Madeleine et moi… nous vivons. Demain je l’épouse.

Suis-je heureux ? Oui. Et c’est cela qui me déconcerte. Je ne devrais pas être heureux dans le crime. Or, il y a eu crime, un crime dont je suis complice. Et je devrais souffrir ! Et je devrais avoir horreur de Madeleine !

Mais rien ne prévaut contre cette sensation de bonheur qui m’inonde. Et je m’abandonne à Madeleine.

— Des remords ? me dit-elle la seule fois où nous évoquâmes la minute terrible, des remords ? Non. Ce n’est pas moi, Ce n’est pas nous qui sommes responsables. Nous avons joué notre vie. Les chances étaient égales. Pourquoi le destin l’a-t-il frappé, lui ? Et par quel miracle incompréhensible nous a-t-il épargnés, nous ?

Et c’est juste. Je ne connais pas d’acte où le destin fut plus loyalement, plus brutalement interrogé. Il a répondu. Que le passé s’efface de notre mémoire.

Et cependant… cependant…

Maurice LEBLANC.