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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

LA TOISON D’OR

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Le prince de Dreux-Soubise (sang royal et poches vides, selon l’ironique devise dont on l’a gratifié) descendit d’automobile, (par quel mystère possède-t-il une soixante chevaux ?) et entra chez Vernou, le fameux Vernou, fournisseur des rois, ami et protecteur de tous nos gentilshommes sportifs, gentilhomme lui-même.

— Eh bien, Vernou, qu’y a-t-il ? Vous avez l’air tout chose.

Sans un mot, Vernou lui tendit une dépêche. Elle était ainsi conçue : « Arriverons Dieppe trois heures. Envoyez automobile. — Darlington. »

— Eh bien ?

— Eh bien, Darlington, l’archimillionnaire banquier de Londres, est un de mes gros clients, et chaque fois qu’il vient en France avec sa fille, je lui envoie une auto à Dieppe, pour l’amener à Paris. Or je reçois son télégramme. Il est onze heures du matin, nous sommes en plein mois d’août, et je n’ai ni voiture, ni conducteur à ma disposition. Et ça m’embête formidablement,

Dreux-Soubise pensa que le moment était mal choisi pour emprunter vingt-cinq louis à son excellent ami Vernou. Il alluma une cigarette, examina les formes puissantes d’une camping-roulotte de dernier modèle de la maison, puis il se dirigea vers la porte. Mais sur le seuil il s’arrêta et laissa tomber :

— Elle est jolie la fille de Darlington ?

Et comme l’autre le regardait sans répondre, il reprit :

— Ou du moins, pas trop mal ? jeune ? présentable ?

Le visage de Vernou s’éclaira.