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“813”

— Qu’y a-t-il ? Que se passe-t-il ? Voilà des mois et des mois que, tout en bataillant et en agissant, je fais danser au bout de leurs cordes tous les personnages qui doivent concourir à l’exécution de mes projets ; et, pendant ce temps, j’ai complètement oublié de me pencher sur eux et de regarder ce qui s’agite dans leur cœur et dans leur cerveau. Je ne connais pas Pierre Leduc, je ne connais pas Geneviève, je ne connais pas Dolorès… Et je les ai traités en pantins, alors que ce sont des personnages vivants. Et aujourd’hui, je me heurte à des obstacles…

Il frappa du pied et s’écria :

— À des obstacles qui n’existent pas ! L’état d’âme de Geneviève et de Pierre, je m’en moque… j’étudierai cela plus tard, à Veldenz, quand j’aurai fait leur bonheur. Mais Dolorès… Elle connaît Malreich, et elle n’a rien dit !… Pourquoi ? Quelles relations les unissent ? A-t-elle peur de lui ? A-t-elle peur qu’il ne s’évade et ne vienne se venger d’une indiscrétion ?

À la nuit, il gagna le chalet qu’il s’était réservé au fond du parc, et il y dîna de fort mauvaise humeur, pestant contre Octave qui le servait, ou trop lentement, ou trop vite.

— J’en ai assez, laisse-moi seul… Tu ne fais que des bêtises aujourd’hui… Et ce café ?… il est ignoble.

Il jeta la tasse à moitié pleine et, durant deux heures se promena dans le parc, ressassant les mêmes idées. À la fin, une hypothèse se précisait en lui :

— Malreich s’est échappé de prison, il terrorise Mme Kesselbach, il sait déjà par elle l’incident du miroir…