Page:Leblanc - 813, paru dans Le Journal, du 5 mars au 24 mai 1910.djvu/15

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— Fini de rire, Kesselbach. Si tu ne parles pas, tant pis pour toi. Es-tu décidé ?

— À quoi ?

— Pas de bêtises. Dis ce que tu sais.

— Je ne sais rien.

— Tu mens. Que signifie ce mot APOON ?

— Si je le savais, je ne l’aurais pas inscrit.

— Soit. mais à qui, à quoi se rapporte-t-il ? Où l’as-tu copié ? D’où cela te vient-il ?

M. Kesselbach ne répondit pas.

Lupin reprit, plus nerveux, plus saccadé :

— Écoute, Kesselbach, je vais te faire une proposition. Si riche, si gros monsieur que tu sois, il n’y a pas entre toi et moi tant de différence. Le fils du chaudronnier d’Augsbourg et Arsène Lupin, prince des cambrioleurs, peuvent s’accorder, sans honte ni pour l’un ni pour l’autre. Moi, je vole en appartement, toi, tu voles en Bourse. Tout ça, c’est kif-kif. Donc, voilà, Kesselbach. Associons-nous pour cette affaire. J’ai besoin de toi puisque je l’ignore. Tu as besoin de moi parce que, tout seul, tu n’en sortiras pas Barbareux est un niais. Moi, je suis Lupin. Ça colle ?

Un silence. Lupin insista, d’une voix qui tremblait :

— Réponds, Kesselbach, ça colle ? Si oui, en quarante-huit heures je te le retrouve, ton Leduc. Car il s’agit bien de lui, hein ! C’est ça, l’affaire ? Mais réponds donc ! Qu’est-ce que c’est que cet individu? Pourquoi le cherches-tu ? Que sais-tu de lui ?

Il se calma subitement, posa sa main sur l’épaule de l’Allemand, et d’un ton sec :

— Un mot seulement. Oui… ou non ?

— Non.

Il tira du gousset de Kesselbach un magnifique chronomètre en or et le plaça sur les genoux du prisonnier. Il déboutonna le gilet de Kesselbach, écarta la chemise, découvrit la poitrine, et saisissant un stylet d’acier, à manche niellé d’or, qui se trouvait près de lui, sur la table, il en appliqua la pointe à l’endroit où les battements du cœur faisaient palpiter la chair nue.

— Une dernière fois ?

— Non.

— Monsieur Kesselbach, il est trois heures moins huit. Si dans huit minutes vous n’avez pas répondu, vous êtes mort.


Le lendemain matin, à l’heure exacte qui lui avait été fixée, le brigadier Goure] se présenta au Palace-Hôtel.