Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/116

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— Donc, tu avais bien l’intention, en entrant, d’assassiner, ricana Nantas. Allons, ouste, tu es cuit !

Il se tourna vers Gérard :

— Comme ça, vous voyez, dit-il en confidence, puisque le Baratof était déficelé avant, vous n’êtes responsable de rien du tout.

— Dieu merci ! murmura Gérard.

Ils eurent tort d’échanger ces quelques paroles et de relâcher leur attention. Manuel en profita. Tirant de sa poche un browning, il en mit le canon dans sa bouche. La détonation retentit. Il tomba, mort.


— C’est une aubaine pour vous, le suicide de Manuel, dit Nantas à Gérard, lorsqu’ils se quittèrent. L’affaire va être classée. Votre nom ne sera même pas prononcé — et encore moins celui de Mlle Destol. Où allez-vous, maintenant ?

— Je prends le train cette nuit et rejoins ma mère.

— Eh bien, camarade, vous lui souhaiterez bien le bonjour, à votre maman, et vous lui direz de ma part qu’elle a un rude fils ! Fichtre, vous êtes d’aplomb sur vos jambes, vous ! Un mot encore. Je me suis trompé sur vous, au début. Vous ne m’en voulez pas ?

— Pouvez-vous demander cela ? dit Gérard dans un élan spontané.

Ils se serrèrent la main amicalement. Ils se connaissaient peu, mais ils avaient appris, en quelques jours, à s’estimer.


Libéré de tout soupçon, définitivement hors de cause, Gérard, fidèle à sa parole, n’essaya pas de revoir Nelly-Rose. Il se donna la mélancolique satisfaction de passer sur la place du Trocadéro, regarda la fenêtre de la jeune fille et s’éloigna, lui disant un éternel adieu.

Deux heures après, il était dans le train de nuit qui l’emportait vers la Normandie. Il allait voir sa mère qu’il n’avait pas vue depuis quatre ans, sa mère qui l’adorait et dont l’affection confiante avait toujours été pour lui, aux pires heures de sa vie, comme un réconfort. Auprès