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Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/45

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juguait aussi… Sans un mot, elle accepta, et ils partirent enlacés.

L’orchestre jouait une valse lente et vive à la fois, prenante, émouvante, et qu’accompagnait une voix d’homme très douce, presque nostalgique. Dans les bras de cet inconnu qui dansait impeccablement et qui l’enveloppait d’une étreinte respectueuse, Nelly-Rose se laissait emporter au rythme de la musique. Une étrange douceur la charmait ; jamais danser ne lui avait causé cette sensation de plaisir profond, presque enivré…

La valse prit fin. Sans avoir échangé une seule parole, Nelly et son cavalier se séparèrent. L’inconnu salua très bas la jeune fille et, toujours silencieux, à peine souriant, énigmatique, il traversa la foule des invités, se dirigeant vers le vestibule…

Jusqu’à ce qu’il eût passé la porte de la galerie, Nelly-Rose le suivit des yeux, troublée… Il disparut.


Mêlé à la foule des invités qui se retiraient, Gérard gagna le vestiaire.

On lui remit son chapeau et son pardessus. Il garda son pardessus sur le bras et se dirigea vers la sortie.

Mais il ne sortit pas.



III

La branche de lilas


Il ne sortit pas.

Il voulait compléter son expédition, voir, s’informer, étudier les lieux. Sans être remarqué, discrètement, il examina les portes qui donnaient dans l’antichambre. Il essayait de se figurer la disposition de l’appartement. Quand il avait demandé l’étage de Mme Destol au concierge, celui-ci l’avait renseigné :   « Au second, à droite. À gauche, c’est la porte personnelle de Mlle Destol. »

Gérard savait donc que le logement de Nelly-Rose avait une sortie particulière. Et il se disait qu’en conséquence les pièces qu’elle occupait devaient se trouver au bout du grand appartement.

Profitant de l’encombrement et sûr que personne ne prenait garde, il entrouvrit une porte. Un couloir s’offrait à lui. Il s’y glissa sans vergogne. Ce devait être le bon chemin.

Que voulait-il faire chez Nelly-Rose ? Il ne le savait pas trop lui-même… voir le cadre où vivait la jeune fille, lui laisser un mot peut-être, lui prouver, par quelque signe, qu’il était venu chez elle… s’imposer encore une fois à son attention, continuer son rôle d’inconnu mystérieux dont la poursuite obsède, intrigue, étonne, inquiète, trouble…