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les époux dumouchel

avec les égards que l’on a pour une personne.

Berthe supportait bravement sa difformité. Presque impotente, ayant perdu toute coquetterie, elle ne s’habillait plus, ne se coiffait plus, restait en peignoir, sale et débraillée.

Le septième mois, elle s’enferma chez elle, incapable de faire le marché. Pour la première fois depuis quinze ans, ce fut la cuisinière qui acheta les provisions. Dès lors Berthe s’abandonna. Des heures entières, elle s’avachissait dans son fauteuil, ruminant les repas plantureux que nécessitait sa grossesse.

À la merci d’une bonne, les époux mangèrent les quelques économies que leur valait la suppression des soirées.

Ils ne s’en tourmentaient pas. Ils traversaient une période ennuyeuse et ils attendaient patiemment en songeant à l’avenir. Leurs rêves, d’abord vagues, se précisaient. On reprendrait ses habitudes, ses chères habitudes, qui s’en allaient à vau-l’eau. Le salon s’ouvrirait bien vite, la vie recommencerait, paisible et régulière. Puis l’enfant grandirait, l’enfant qui égayerait la maison, qui serait à lui seul une distraction et une occupation constantes.