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Page:Leblanc - L'âme du père Vivandieu, paru dans Le Figaro, 16-11-1895.djvu/7

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— On crut, dans le village, à une fuite. Les poignées de main furent goguenardes. Je me tins à l’écart. Et, sans m’occuper des moqueries, la deuxième année, je commençai mon pèlerinage à la gare. Elle m’y apparaîtra un jour ou l’autre, je le sais. Voyez-vous, le chagrin et la solitude m’ont appris bien des choses. J’ai prévu que l’amour réservait à la pauvre enfant une première déception, qu’elle n’oserait pas me revenir encore, que son caractère romanesque la conduirait à d’autres tentatives, et que la dure réalité les changerait aussi en d’autres déceptions… jusqu’au moment où le besoin de repos me la ramènera. »


Mon admiration se trahit par un élan d’enthousiasme où je lui offris mon amitié. Le bonhomme était vraiment sublime d’ingénuité et de dévouement. Un examen plus soutenu me le montra pour le reste assez sot et assez vulgaire, mais tout ce qui concernait son amour le haussait à une noblesse d’idées surprenante. J’avais alors la sensation qu’une âme palpitait auprès de moi. Ainsi, chez les plus niais et les plus lourds, parmi la croûte des appétits, des besoins et des habitudes, la douleur fait jaillir des éclairs d’âme qui les animent un instant du feu de la vraie vie.