vait aisément à l’oublier. On la voyait et on l’entendait à peine, car ses goûts la portaient surtout à être seule et à se taire. Les grands rideaux des fenêtres constituaient sa cachette favorite. Elle ne cessait d’y pleurer. Pourquoi ?
— Comme ta sœur est peu affectueuse, peu communicative, me confiait mère. Qu’il lui survienne une mésaventure ou un plaisir, que je la gronde ou que je la complimente, tout lui est indifférent.
On eût pu se demander si Claire était peu affectueuse parce qu’on la négligeait, ou si on la négligeait parce qu’elle était peu affectueuse. On eût pu également s’étonner de la voir, une heure après la réprimande ou l’éloge reçus si froidement, revenir avec des yeux encore rouges de larmes ou tout brillants de gaîté. Mais nul ne songeait à examiner cette petite créature timide, obéissante, qui n’exprimait aucun désir et avait l’air par moments de s’exercer à une sorte de contrôle sur elle-même. L’extrême sagesse d’un enfant le fait passer inaperçu. Claire restait donc dans son coin, vaguement orgueilleuse de pouvoir supporter la solitude. Elle y puisait un sentiment obscur d’originalité, qui la disposait à s’accommoder de tout sans se plaindre et même à s’infliger de légères privations. On ne la surprenait jamais couchée au creux d’un divan et rêvassant comme les filles de son âge, mais assise du bout des fesses et le buste droit sur quelque chaise peu confortable. Et elle paraissait si absorbée, à ne rien faire que, malgré soi, on respectait