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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/24

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L’ENTHOUSIASME

son inaction, comme on respecte l’immobilité de quelqu’un qui pense.

Je ne voudrais point parler de Claire avant l’époque où nous influâmes l’un sur l’autre, et, même alors, je ne m’arrêterai pas aux circonstances d’une vie dont elle fera quelque jour le récit fidèle. Mais il était bon, dès maintenant, de la déterminer à l’aide de certains traits, et, chose singulière, j’y ai eu moins d’embarras qu’à mon endroit, sa nature, quoique plus soumise en apparence que la mienne, n’ayant pas été déformée un seul moment par l’uniforme rigide que son titre d’enfant la contraignit à revêtir. Elle se détache ainsi très nettement du passé. Je vois ce qui la distingue de moi. Toutes les idées qui me furent inculquées de force, toutes les conventions et les consignes que j’ai secouées plus tard, mais qui cependant m’ont tellement impressionné qu’une gène confuse m’envahit encore, dès l’instant où j’y manque, tout cela ne l’a jamais atteinte, elle qui s’y résignait avec tant de passivité. Ce qu’on l’obligeait à faire, elle le faisait et en oubliait aussitôt jusqu’au moindre geste. Ce qu’il lui fallait écouter, elle l’écoutait et ne s’en souvenait plus. Sa première communion la laissa fort paisible, et elle s’approcha de la Sainte-Table sans plus d’émoi que si elle eût accompli un des actes de sa vie quotidienne. En somme, elle n’accepta jamais rien que d’elle-même et de ce que lui proposait sa petite raison naissante parmi le tumulte d’instincts qu’elle